Grégory BLANC
Sénateur Divers Gauche de Maine-et-Loire
Conseiller départemental, chef de file de l’opposition
Les enjeux du budget : s’y retrouver simplement
60 Milliards d’euros d’efforts budgétaires supplémentaires : Michel Barnier vient de poser le 1er étage de la « douloureuse ». 60 milliards : soyons lucides, ce n’est qu’un peu plus du tiers du chemin à réaliser.
La France demeure dans le « quoi qu’il en coûte », le tout financé par l’emprunt. Résultat : lorsque le cycle économique international a commencé à se retourner, le déficit a dérapé, fin 2023. Dès 2024, il eût fallu rouvrir le débat budgétaire, en recette et en dépense. Macron l’a refusé. Au final, avec l’instabilité politique de la dissolution, la France s’est mise la semaine dernière à emprunter plus cher que l’Espagne et la Grèce !
Les Finances, c’est de la politique en concret : Il n’y a pas d’autre choix que de sortir du slogan « stabilité fiscale » poussé à l’extrême jusqu’à ces derniers jours par les libéraux de la Macronie et les conservateurs LR. Il n’y a aussi pas d’autre choix que de sortir du slogan « y a qu’à faire payer les riches de la gauche radicale : c’est nécessaire, mais ça ne suffira pas.
La somme à trouver est de 150 à 160 Milliards d’euros chaque année pour payer les intérêts (qui vont passer de 48 Milliards d’euros en 2022 à 80-85 Milliards d’euros en 2027 et devenir le premier budget de l’Etat), commencer à rembourser la dette (« le déficit primaire ») et financer la transition écologique.
Dans les faits, le projet transmis au Haut Conseil des Finances Publiques dans le cadre du processus budgétaire est pourtant différent. 15 Milliards d’euros de baisses de dépenses, et 24 Milliards d’euros de hausses d’impôts. Adopter des mesures de justice fiscale en faisant d’abord contribuer ceux qui ont largement bénéficié des dispositifs de soutien payés par le Pays dans son ensemble est donc le 1er étage de la fusée. Remettre de la justice est indispensable pour réformer. De ce point de vue, les annonces de Michel Barnier font apparaître quelques marges de manœuvre restantes.
Michel Barnier a également annoncé des coupes budgétaires pour 2025, en reprenant les lettres-plafonds de crédit arrêtés par Gabriel Attal en plein été. Soyons précis : ce cadrage, dans l’affolement, consiste d’abord à reporter les investissements, taper dans les emplois de contractuels et les budgets d’agences comme l’Ademe. Au final, pas de réforme de structure, principalement des mesures de reports.
Voilà pourquoi le gouvernement va porter politiquement le débat sur les régimes de protection sociale, pourtant excédentaires. Ils veulent mettre à nouveau à contribution les travailleurs plutôt que la société dans son ensemble. Dans la France post-Covid, où une partie grandissante du pays va mal (pas tous certes), toucher aux arrêts de travail sans mesures alternatives de prévention pose de graves problèmes.
Les collectivités locales sont dans le viseur : Le rapport de la Cour des comptes commandé par Attal en mars 2024 est bourré d’omissions. Il fait porter aux collectivités une responsabilité dans le déficit alors même que c’est la trajectoire pluriannuelle des Finances publiques qui a été « bricolée ». Oui, en 2024, au mitan du mandat, les collectivités ont emprunté pour financer leurs investissements plus fortement qu’en 2023 et 2022. Il n’y a pas besoin d’être Madame Irma pour l’anticiper. Pourtant, c’est ce que n’a pas fait Bercy dans la loi de programmation des Finances publiques 2023-2027.
Aujourd’hui, ce rapport va servir de base pour mettre en place de nouveaux « contrats de partenariat » avec les collectivités a annoncé le Premier Ministre. Dit autrement, l’Etat est devenu schizophrène : en plein post-Covid, il demande d’un côté aux communes et départements d’emprunter pour financer les investissements nécessaires à la transition écologique et, en fonctionnement, d’augmenter les services (polices municipales, petite enfance, …). De l’autre côté, il leur reproche ces augmentations et va les pénaliser. Je l’ai dénoncé cette semaine.
Il est urgent d’engager les réformes de structure, pas uniquement pour discuter d’une nouvelle répartition des compétences entre collectivités (cf. rapport Woerth et Ravignon), ce qui n’aura que peu d’impacts sur nos finances publiques, mais pour s’attaquer aux doublons avec l’Etat. Bref, faire un choix : pays centralisé ou pays décentralisé ? Dans une France ayant besoin de faire vivre le dialogue, la décentralisation est évidente.
Des priorités claires pour le budget. Pour ma part, je vais aborder la séquence des PLF (Budget de l’Etat) et PLFSS (Budget de la Protection sociale) avec 3 orientations fortes.
1/ Rationaliser notre système fiscal. Plus personne n’y comprend rien, qu’il s’agisse des niches comme de l’infrastructure des finances locales. Cette rationalisation d’une plus grande justice fiscale. Les baisses d’impôt financées par la dette et par les seuls travailleurs ont bénéficié principalement au tiers le plus aisé de la population. Il faut plus d’équité.
2/ Soutenir le logement et les budgets pour la transition écologique: Ma Prime Rénov’, Fonds vert, PIA, renforcement des fonds des partenaires sociaux. A ce titre, je soutiens les annonces de Michel Barnier quant à une extension du Prêt à Taux Zéro, ce qui correspond à l’une des propositions que j’ai remises dans ma contribution à la mission « Financement du ZAN » du Sénat.
3/ Consolider tous les dispositifs de formation. L’école, l’université, la formation professionnelle sont indispensables à la fois pour « éveiller les citoyens » dans un monde en manque de repères, mais aussi pour innover, soutenir notre économie, construire du progrès pour demain.
Du fait de la composition du gouvernement, les débats budgétaires au Sénat auront cette année une place tout à fait singulière et renforcée. S’il est probable que le 49-3 soit déclenché à l’Assemblée Nationale, comment Michel Barnier pourrait-il balayer d’un revers de la main la copie que rendra le Sénat (comme E. Borne et E. Macron l’avaient fait l’an passé) ? C’est inconcevable. Les débats iront à leur terme.
Voilà pourquoi je me tiens à votre disposition pour que soit signalé ici un problème sur la maquette budgétaire développée par Bercy, là pour combattre une disposition, ou encore pour faire remonter une proposition. Parce qu’au-delà des grands enjeux financiers, il y aura également tout ce qui fait le quotidien. C’est aussi cela un budget.
Bonne semaine à toutes et tous,
Au Sénat
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